J'eus le sentiment que ma décision arrangerait tout le monde. Anna se sentit immédiatement déculpabilisée de délaisser ses nourrissons. [...]
J'ai aimé ces années passées auprès de Marie et de Vincent, ces saisons vécues hors du monde du travail et des préoccupations des adultes. Nous vivions de promenades, de siestes et de gouters où le pain d'épice avait la saveur de l'innocence et du bonheur. Pour les avoir talqués, poudrés, pommadés, je connaissais chaque centimètre carré de la peux de mes enfants. Je percevais les dominantes de leur odeur, animale chez le garcon, végétale chez la fille.
[...]
Mes journées se résumaient à l'exécution de tâches répétitives, simples, le plus souvent ménagères, auxquelles je ne pouvais cependant pas m'empêcher de trouver une certaine noblesse. Le soir, lorsqu'Anna rentrait, le repas était prêt et les enfants couchés.
Mon existance ressemblait à celle de ces épouses modèles que l'on voyait dans les feuilletons américains des années soixante, toujours impeccables et prévenantes, semblant n'être nées que pour faire oublier au mâle dominant et travailleur la fatigue de sa journée de labeur. Il ne me manquait que la jupe à volants et les talons aiguilles. Pour le reste, à l'image de mes soeurs d'outre-Atlantique, je servais un scotch à l'entrepreneuse en faisant semblant de m'intéresser à ses jérémiades patronales.
[il reste encore]