Le livre le plus long que j’ai lu cette année, jusqu’aujourd’hui. Mais je ne crois pas que j’aille lire un autre plus long d’ici fin d’année.
(Spoiler alert)
4.8⭐️ … au lieu de 5⭐️ parce que à mon avis quelques parties peuvent s’accélérer. Pourtant, la longueur du livre ne m’ennuie pas du tout. Une belle aventure qui m’apporte beaucoup d’émotions. Elle commence par la maladie mortelle d’Emile, mais ne donne pas une ambiance lourde. A la place : un esprit positif
“Je vais partir, je vais me tirer à l’aventure avec mon sac à dos, un camping-car, comme on en rêvait. Je vais vivre soixante années en une seule. Je te promets. J’aurai zéro regret.”
“Je dois vider mon compte en banque et mon livret A avant de mourir alors…”
Et du coup ça donne envie. Envie d’un voyage duquel on pourrait savourer chaque minute, sans penser qu’au jour n+5, il faut être présent à la gare à exactement xx heures pour rentrer chez eux.
Le style d’écriture de Mélissa Da Costa est tellement fluid. Au début, on peut clairement connaitre que le point de vue appartient à Emile, malgré la narration à la troisième personne Joanne apparaît comme une personne silencieuse, réservée, un mystère en permanence. Jusqu’au moment où ses secrets sont révélés, et Emile perd sa conscience au fur et à mesure à cause de la maladie, le point de vue change désormais à la position de Joanne. Aussi fluide la transition des pensées d’Emile et celles de Joanne entre le présent et le passé.
Deux personnes, un homme et une femme, ensemble pour un voyage étrange. Normalement on va attendre une histoire d’amour passionnante ou quelque chose pareille. Mais ce n’est pas le cas dans ce livre. Pour moi, ils sont deux compagnons de voyage, ils peuvent s’aimer un jour, qui sait. Mais plus que ça, ils sont deux âmes perdus qui se trouvent, qui s’ouvrent l’un à l’autre. “Ils sont sur la même longueur d’onde”.
J’apprécie le fait qu’il sont juste des personnes normales. Emile, comme sa ex-copine a remarqué, un homme qui ne bouge pas. Il ne pense pas à l’avenir, à la construction d’une vraie famille, il continue à faire un travail qu’elle l’aide à trouver, un boulot qui ne le plaît pas. Joanne, une jeune femme qui vit toute sa vie dans une école, qui ne sort pas de son village, qui travaille en tant que “gardienne” de l’école (bref, pas vraiment gardienne mais je ne me souviens pas l’intitulé de son poste).
Pour Emile, “Elle est la seule personne qui a répondu à son annonce, qui s’est proposée de l’accompagner dans ce dernier périple vers la mort Ils sont liés, en quelque sorte.”
Pour Joanne, c’est la promesse que son père a tenu. “Si je peux faire quelque chose, alors, je te promets…Je m’arrangerai pour t’envoyer un signe. Le jour où ta vie deviendra trop lourde à porter, je tâcherai de t’envoyer un autre compagnon de voyage.”
Par conséquence, Joanne elle aussi, elle a tenu sa promesse avec Emile jusqu’au bout, malgré tous les difficultés et douleurs que cela apporte (c’est triste d’être oublié par quelqu’un qu’on aime). Une fille ordinaire…mais courageuse.
Mais il y a tant de choses que j’aime de ce livre. Les beaux paysages de la France que je voudrais découvrir. Un peu d’initiation à la méditation grâce à Joanne. Comment elle guide Emile à se concentrer plutôt sur le présent, dans une situation qui ne peut jamais être plus convenable, celle de quelqu’un qui finira par oublier tout son passé et qui n’a pas de futur. Des toutes petites joies si simples, comme de réfléchir le nom pour son chat, “le premier chat sur Terre à avoir un deuxième prénom”. La scène où ils s’enfuient de l’hôpital est vachement adorable !
Every thing happens for a reason. L’auteure a bien expliqué les détails qu’elle introduit dans le livre, pourquoi Joanne devient si silencieuse et quelque part indifférente. “Joanne boit une infusion. Tom un chocolat chaud. Joanne lit des histoires et chante des comptines. Tom est attentif. Il est toujours muet mais ça ne les dérange pas, ni l’un ni l’autre.” Qu’est-ce qui a fait à Joanne détester Léon, son amour, tellement qu’elle doit partir? Pourquoi elle est figée d’écouter le mot “maman” d’Emile? “Tom avait inventé un langage des yeux et des mains. Ils communiquaient ainsi. Elle n’a jamais entendu ce mot de sa vie. Elle ne l’a jamais prononcé.”
Je suis touchée par la promesse d’Emile, quelque chose trop sincère, disant qu’il va surveiller Tom pour Joanne. Je suis touchée par sa dernière lettre, dans laquelle il signe “Ton mari” à la fin.
La fin de l’histoire n’est pas impossible à prévoir. Il n’y a pas de plot twist surprenant. L’important est le voyage lui-même, un séjour de transformation, d’évolution. “La vie n’en a jamais terminé. Il l’a bien compris. Tant qu’il décidera qu’il n’est pas mort, elle continuera de lui jouer de drôles de tours.”
Il y a tant de moments où les larmes se trouvent dans mes yeux. “Si nous pleurons parce que le soleil n’est plus là, nos larmes nous empêcheront de voir les étoiles”. J’ai pu, en tout cas, voir des étoiles qui s’allument dans le ciel de ce livre. 😊